Et si la transmission du savoir passait davantage par le jeu ? C’est le parti pris de plus en plus d’institutions culturelles qui proposent à leurs publics des expériences de gamification. La gamification désigne la réutilisation de mécanismes du jeu (challenge, compétition, points, énigmes etc.) dans des secteurs inaccoutumés à ce type de pratiques. L’objectif est d’utiliser un outil de divertissement à d’autres fins : éducatives, commerciales, marketing etc. Dans le secteur muséal, l’utilisation des techniques de gamification en matière de médiation ou de communication permet de valoriser les collections mais également de rendre la visite attractive pour les plus jeunes.
La gamification est aujourd’hui considérée dans le secteur du marketing comme un des leviers privilégié pour capter l’attention du consommateur et l’engager. Si les entreprises s’appuient régulièrement sur cette technique, un des secteurs prometteur pour l’exploiter est celui des institutions culturelles. En effet, ces dernières entreprennent déjà des actions pour permettre au visiteur de préparer sa visite (site internet, application, chatbot…), mais innovent également de plus en plus en matière de médiation. Elles déploient ainsi des idées toujours plus créatives pour attirer et fidéliser leurs publics. Dans le prolongement de la digitalisation, la gamification est aujourd’hui présentée comme l’une des dernières solutions innovantes pour rendre le visiteur acteur de sa propre expérience.
Les dispositifs “gamifiés” sont développés pour rendre le lieu plus attractif et susciter l’envie de visite, pour accompagner le visiteur durant son expérience ou enfin pour prolonger l’expérience en dehors du lieu et favoriser la fidélité des visiteurs. Loin de se substituer à la pédagogie de la visite d’un musée, ce type de dispositif a pour vocation de la rendre encore plus ludique et d’en faciliter la compréhension.
En outre, cela permet au visiteur de devenir acteur de son expérience de visite, de se réapproprier les contenus et d’être d’autant plus engagé. Cette évolution des formats fait écho à l’évolution des usages à l’oeuvre sur les réseaux sociaux. Leurs utilisateurs sont incités par des dispositifs en tous genres comme les likes, les partages ou les badges, à participer et à promouvoir de manière active les sujets qui leur tiennent à coeur. Les entreprises et dans leur sillon les institutions culturelles, se sont saisies de ces mécanismes pour fédérer des communautés autour d’elles.
De cette façon, la mise en place de récompenses, points ou classements permet au visiteur de se repérer dans son parcours et illustre sa maîtrise du jeu. De plus, avec le cumul de points, les institutions peuvent mettre en jeu des récompenses qui s’avèrent être des sources de motivation : entrées à tarifs préférentiels, contenus exclusifs, invitations à des événements exceptionnels etc.
Certaines institutions se sont déjà intéressées à cette technique de médiation.
En 2015, l’Institut du monde arabe a publié son premier jeu vidéo : Medelia. Celui-ci s’adresse à un public âgé entre 7 et 11 ans pour leur faire découvrir la culture du bassin méditerranéen, grâce à un voyage interactif. Reposant sur les travaux d’historiens, d’archéologues et de spécialistes reconnus de la Méditerranée, Medelia aborde de nombreuses thématiques : la littérature, le commerce, les sciences, la religion, les langues, l’écriture, la ville et l’urbanisme. Les joueurs doivent résoudre des énigmes, trouver des objets cachés, ils explorent 6 villes méditerranéennes (Damas, Kairouane, Constantinople…) tout en découvrant les chefs d’œuvres de l’art méditerranéen.
Ainsi, en 2016, le musée royal de Mariemont en Belgique a mis en place un jeu vidéo sur tablette intitulé “Le Passeur”. Destiné aux enfants, le jeu permet de mettre en avant la collection égyptienne du musée. Équipés d’une console, les visiteurs doivent trouver des objets, résoudre des énigmes et passer des niveaux… Tout au long du parcours les joueurs découvrent ainsi des objets de la collection et s’initient à la mythologie égyptienne.
Toujours en 2016, le musée de Londres a décidé d’exploiter le célèbre jeu vidéo Minecraft afin de commémorer le 350e anniversaire du grand incendie de Londres en 1666 qui avait alors ravagé la ville. L’événement est recréé dans le jeu et permet de retracer la catastrophe en trois étapes. Cette initiative se veut donc ludique mais également pédagogique.
Aujourd’hui la gamification se heurte néanmoins à un problème de taille pour les institutions : le prix. En effet, avec les coûts de production puis les coûts d’entretien (matériel, mise à jour du système etc.) et l’achat de supports (tablettes, etc), certaines restent réticentes par rapport à cette solution. Pour pallier à ces coûts, il existe des solutions de gamification moins onéreuses comme la mise en place d’un chatbot.
Par exemple, l’entreprise The Studio a mis en place Andy CarnegieBot pour le Carnegie Museum of Pittsburg. Ce chatbot de médiation inclut un système de gamification qui rend l’expérience du visiteur plus attractive dans le musée. Équipé de son smartphone et connecté sur Messenger, l’utilisateur discute avec Andy qui le guide à travers le musée. Tout au long de la visite, des QR codes sont installés que le visiteur doit scanner afin d’obtenir des renseignements supplémentaires. Pour pouvoir passer à l’étape suivante l’utilisateur doit répondre à une question, souvent une énigme, lui demandant d’observer autour de lui.
Aujourd’hui les institutions culturelles se diversifient, elles évoluent. L’arrivée des technologies permet d’ouvrir à l’infini le champ des possibles. En présentant aux visiteurs des médiations impliquant défis et objectifs à atteindre, ils deviennent moins “visiteurs” et plus “acteurs” d’une partie de l’histoire racontée par le musée.
Il ne s’agit plus seulement de partager, protéger un savoir mais aussi de créer une communauté forte autour du musée.